Biographie
Poète et essayiste, Evelyne Gagnon est professeure de poésie à l'Université du Québec à Trois-Rivières. À partir de ses recherches sur le lyrisme, la poésie québécoise et sur la mélancolie contemporaine, elle a fait paraître des études dans plusieurs ouvrages scientifiques au Québec, au Canada, aux États-Unis et en France. En 2014, elle a fondé le Concours de poésie du Centre des littératures au Canada, ouvert chaque année depuis aux étudiants des universités albertaines. Récipiendaire du Prix de poésie Clément-Marchand (2001), ses poèmes ont par ailleurs été publiés dans Le Sabord, Moebius et Les écrits. Son recueil de poèmes Incidents (et autres rumeurs du siècle) est paru aux éditions du Noroît (Montréal) en 2022. Elle est également la lauréate du Prix Zénob/Jean-Lafrenière 2024, décerné par le Festival international de la poésie de Trois-Rivières. Sa poésie explore la mélancolie qui nous habite actuellement et qui s'exprime souvent par une tristesse vague, une lassitude, voire un sentiment d'impuissance face aux multiples catastrophes (petites et grandes) qui surviennent dans notre monde. Les thèmes mélancoliques qu'elle aborde touchent entre autres à l'angoisse liée aux changements climatiques, à l’éco-anxiété et à l’écoféminisme, ainsi qu’à l’omniprésence des médias et de la technologie à l’heure du capitalisme tardif; tout cela qui entre en tension avec notre profond désir de réinvestir notre humanité commune.
Entrevue
Je lisais tout ce qui se trouvait dans les bibliothèques de l'école et municipale. Un jour, j'ai cru avoir épuisé tous les romans disponibles et j'ai découvert des rayons avec des recueils de poésie. J'ai tout de suite été fascinée par ces mots qui flottaient sur la page, leur musique, leur rythme. J'avais l'impression qu'ils allaient me révéler des secrets, qu'ils m'apprendraient des choses importantes. C'est alors que j'ai découvert Anne Hébert, Saint-Denys Garneau, Geneviève Amyot, les poètes régionalistes canadiens-français, puis peu après Baudelaire (ce n'était que le début de mes découvertes, bien entendu!). J'ai toujours ce sentiment d'émerveillement aujourd'hui chaque fois que j'ouvre un nouveau livre de poésie. Je sais que la voix du ou de la poète vient à ma rencontre pour partager avec moi des émotions, des questionnements et des mystères qui vont m'aider à vivre.
J'ai écrit mon premier poème à douze ans, j'y parlais de tristesse et il y avait des rimes partout! J'ai toujours continué à écrire des poèmes par la suite; la poésie est devenue une sorte de journal intime pour moi, où je colligeais mes pensées, mes inquiétudes et mes questionnements. J'ai étudié longuement la poésie à l'université et elle est devenue mon champ principal de recherche. J'avoue avoir encore de la difficulté parfois à me considérer poète, puisque j'ai tellement étudié et enseigné des oeuvres qui me semblent remarquables que j'ai tendance à comparer les miennes à elles. Or, je pense qu'il faut trouver sa voix propre et accepter d'être soi-même lorsque l'on écrit des poèmes; c'est seulement ainsi que l'on peut créer un espace de conversation authentique et fertile où pourront se reconnaître les lecteurs ou lectrices.
Le travail des poètes est de nous remettre en contact avec l'essentiel, avec notre humanité commune. Au-delà des pressions de notre société de performance et des inquiétudes qui nous taraudent, les poètes par leur travail nous demandent : à quoi devrions-nous porter davantage attention et de quoi devrions-nous davantage prendre soin?